Je me suis assise à une quinzaine de mètres d'où s'arrête la promenade, sous les falaises. Ce dernier bout bétonné ne reste jamais longtemps vide un vendredi de pont, les promeneurs arrivent en groupe de manteaux, regardent au large s'ils ne regardent pas les trébuchements de leurs enfants, s'assoient quelques instants sur le petit mur, respirent et repartent. Une vraie circulation, un flux irrégulier mais assez bien réglé, jamais trop de monde. Seul quelques-uns s'aventurent sur les galets, étrangement souvent ceux avec des mocassins peu adaptés, pour descendre jeter quelques cailloux et pousser l'aventure jusqu'à sauter sur des grosses pierres.
A mon arrivée, Deauville est en train de recevoir une sacrée saucée. Le gigantesque nuage gris-noir qui tient lieu de réservoir est loin d'être vide, j'aimerais autant leur dire. On aperçoit la trajectoire des trombes d'eau en diagonale sur les côtes.
La mer est agitée et les vagues à peine translucides, elle est presque laiteuse, épaisse. Si on figeait le mouvement inlassable - tac - on dirait une vaste roche entre le brun et le vert, aux épis coupants, sorte de silex poli mais partout des pics aiguisés... un fossile géant pourtant plus vivant que jamais, que toujours. Elle a quel âge, cette mer?
L'orage en face s'est calmé. Le vent vient du large et repousse vers les terres ce qui désormais n'est plus qu'un gros tapis de nuages lourd et chargé dont ne tombe pourtant plus une goutte. En tout cas elles ne sont plus visibles d'ici, mais je suis contente de ne pas être en dessous, il a l'air très coriace et feignant. On aurait besoin d'un puissant aspirateur.
Quelques minutes après, le soleil apparaît alors qu'en face tout est encore dans l'ombre. Éblouissant et puissant éclairage! La lumière est très claire, et dès qu'elle heurte de la matière teinte tout d'une couleur de blé, les herbes, les rochers et même les galets.
A ma droite vers le large, les nuages ne s'ennuient pas et forment un ballet baroque. Ils sont d'un effet grandiloquent, pleins de crevasses et de rebondissements, des petits ballotins regroupés en angles extravagants, des parties qui s'envolent, des envolées cotonneuses, alors que d'autres plus graves se complaisent dans leur immobilité feinte. On dirait des joues et des ventres de petits anges boursouflés, tout blancs, plus sombres vers l'horizon, et pas si célestes que ça.
J'observe un petit garçon qui a gardé son casque de vélo mal réglé (comme tous les casques de vélo de tous les enfants de la promenade du Havre dont les parents considèrent la ballade en vélo à 3kmh comme une activité ludique de jour férié ensoleillé qui exceptionnellement vient concurrencer la PS3 - aïe pardon). C'est tout ce que je discerne de lui, il est en contre-jour à genoux sur les galets et ne cesse de taper sur les pierres avec un bout de ferraille récupéré quelque part. La mère à deux mètres est en plein reportage et filme la scène qui hélas se prolonge. Qu'il aille battre ses pierres ailleurs!
Je tourne la tête et fixe 5 paquebots posés à équidistance sur la ligne d'horizon. Pas de règle pour vérifier, mais leur disposition semble assez parfaite. Rien ne dure, quelques secondes plus tard celui de droite vire vers le nord.
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