Le Havre
Ce n'est pas la ville des phrases
ni des grands mots.
(Peut-être des grands mats,
sûrement des paquebots.)
Ici opère la grammaire.
(On touche au nerf de la guerre,
de poésie et prose le père et la mère.)
C'est la ville des perspectives composées.
Un précis
de conjugaison d'eau et de béton,
de déclinaisons de lumière et de lignes d'horizon.
Un recueil,
la vaste cuvette de la plage,
avec pour attelle la digue jetée,
calée en règle sur la page
d'une géométrie orchestrée
par la main du maître Auguste Perret.
Horizontale construction
magistrale étalée de bassins et de quais
de côtes de bitume émincées à souhait
Construction verticale
du vertébré des falaises
où le vent cavale dans les escaliers
Ville de tout âge
au présent particulier
où tout commence commerce
arrive et part
Au Havre
Le port du container est une tradition centenaire.
Les dockers veillent au grain et livrent du lourd
derrière la cloche, au-delà des marées,
des fumées d'usine et des odeurs de café.
Rude hiver ou doux été
les mouettes ouvrent leurs becs
dans le bruit des vagues
et jettent leurs coquilles sur les galets.
Plus haut que les grues
que le sémaphore
le ciel fait des siennes
et règne en fête
toile de fond, œuvre d'art
à en avoir palette en tête -
de gris de bleu de blanc de rose
de doré de beige de brun de noir
Les nuages sont les stars.
Un jour
assemblés en angles improbables
bouquets de joues d'anges boursoufflés
Un autre
frôlant l'horizon à narguer le soleil
étirés en cotonneuse traînée
Un autre enfin
docilement ordonnés en troupeau
avançant comme s'ils suivaient une mère
vers l'entrée du port
ou la sortie
par tempête ou accalmie -
Les plus beaux nuages sont ici.
Au bout de la Seine
une veine qui dépasse
Au début de la Manche
le poignet du géant
qui étend sa main
les yeux et les poumons
vides et pleins
de large et de loin.
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